Maramureș, là où le temps s’est arrêté
Roumanie, 2020
La région de Maramureș, dans le Nord de la Roumanie, est marquée par son identité rurale forte. La foule de petits villages caractéristiques, toujours habités par les roumains ayant refusé l’exode rural, prospère le long des vallées des Carpates. C’est un monde à part, suspendu dans le temps, où les routes sont encore en terre, les bottes de foin toujours façonnées à la main, les églises de bois resplendissantes encore très fréquentées.
Un autre passé y est resté figé, avec d’immenses usines du XXème siècle laissées à l’abandon. Une fracture du paysage, amplifiée par les nouvelles menaces qui pèsent sur la région : la déforestation souvent illégale de forêts primaires par de grands groupes étrangers. Portrait photographique d’une région menacée.
Frontalière à l’Ukraine, à dix heures de train de Cluj-Napoca, la région de Maramureș est un monde à part. Réputée pour ses églises de bois classées à l’UNESCO, elle est d’abord une terre pastorale ancienne, relativement épargnée de l’agriculture industrielle.
« Ici, tout était fait à la main, avec des outils eux-mêmes faits à la main ». Pour comprendre ce qui fait la substance de la région de Maramureș, il faut s’adresser aux anciens. Iuliu est né à Cluj-Napoca, mais a vite été confronté à l’endroit. Auparavant ouvrier dans une usine de fabrication de machines pour les mines, il s’est évertué à récupérer toutes les traces possibles de ce passé, pour ne pas l’oublier. C’est une source intarissable d’informations. Originellement, c’est une région pastorale, où l’on élève principalement des moutons. L’élevage est encore visible aujourd’hui, en premier lieu par les bottes de foin caractéristiques, toujours faites à la main. Le lait de brebis sera utilisé pour la fabrication de fromage, la laine pour les vêtements. Une région où l’on fabrique ce dont on a besoin. La forêt était alors utilisée seulement pour la fabrication des maisons, des églises et de ces célèbres portails travaillés caractéristiques.
Mais depuis la domination Habsbourg à la jonction des XIXème et XXème siècle, le rapport à la forêt a changé. C’est la grande ressource de la région, largement convoitée, et pas toujours pas les roumains eux-mêmes. S’est donc ajouté à l’identité purement pastorale une dimension industrielle au début du XXème siècle. Elle s’est traduite avec le développement de la ligne de chemin de fer forestière « Mocăniță », en remplacement d’un complexe système de radeaux et d’écluses pour acheminer le bois depuis les montagnes. Un bouleversement pour les habitants de la région, jusque là habitués à une économie de subsistance. Aujourd'hui, le phénomène ne s’est pas arrêté. Comme par écho historique, l’entreprise autrichienne Schweighofer est l’un des principaux employeurs de la région. Sujette à controverse, elle est notamment accusée par la Roumanie de prélever du bois dans des zones protégées, jouant sur son intraçabilité.
Les habitants de Maramureș ne sont pas dupes. Pourtant, ils continuent de célébrer leur spécificité. On danse dans la neige, on restaure des maisons anciennes, on célèbre la messe orthodoxe, on cultive, élève, continue de vivre selon la tradition. Malgré un aspect communautaire évident, l’accueil des étrangers par les roumains est chaleureux. Ils sont toujours fiers de parler de leur culture, forgée par une histoire en contact direct avec la nature qui les entoure, et guidé par une foi sans failles.